la FEC FO répond à la Sénatrice Isabelle DEBRE
Madame la Sénatrice Isabelle DEBRÉ
Casier de La Poste 15 rue de Vaugirard 75291 Paris cedex 06
Paris, le 6 mars 2012
Lettre ouverte
Madame la Sénatrice,
Nous faisons suite à votre tribune de février 2012.
Tout d’abord, nous nous félicitons que vous soyez une lectrice de FO HEBDO, journal des militants FORCE OUVRIERE.
Dans votre intervention, vous dites être choquée que nous nous félicitions d’avoir obtenu la condamnation de l’entreprise BRICORAMA pour 31 des magasins qu’elle exploite en Ile-de-France.
Si l’entreprise a été condamnée, c’est qu’elle avait enfreint la Loi ; Loi que vous avez défendue devant le Sénat en son temps. Cette loi, que nous combattons, avait été conçue pour permettre aux entreprises qui dérogeaient en toute illégalité au repos dominical, de bénéficier d’un cadre légal qui devait leur permettre de ne plus être attaquées pour ce motif par les organisations syndicales, qu’elles soient organisations de salariés ou patronales.
Il est clair que nombre d’entreprises ont développé un sentiment d’impunité qui les a conduites à ne pas demander les dérogations que prévoit la loi, pourtant faite pour elles. Pour ne parler que de BRICORAMA, elle aurait pu s’épargner un procès en respectant cette loi et en demandant des dérogations pour les 28 magasins. Trois autres sont à Paris intra-muros, en dehors d’une zone touristique. Et là, il lui suffisait de ne pas faire travailler les salariés d’une manière illégale.
L’entreprise précitée n’est pas la seule à être en infraction et il est clair que si les services de l’Etat faisaient appliquer la loi, les astreintes ne seraient pas pour les organisations syndicales mais pour les caisses de l’Etat. Notons d’ailleurs que lorsque les préfets ont joué leur rôle, l’Etat a bénéficié de 1 350 000 euros d’astreinte. En ces temps de crise, ce n’est pas négligeable. Et quoi de plus rassurant, pour nos concitoyens, quand l’Etat défend les lois en les faisant appliquer.
Vous reconnaissez que le syndicat FORCE OUVRIERE est le plus actif pour faire respecter la loi, en oubliant l’intersyndicale du CLICP, qui lutte, elle aussi, pour le respect du repos dominical. Sans oublier, les organisations d’employeurs qui vont en justice pour que les
supérettes n’ouvrent pas le dimanche après 13 heures et ferment le lundi, et ont aussi attaqué, avec succès, les dérogations données par les préfets à des centres commerciaux provinciaux.
En créant cette loi avec Monsieur Maillé, vous saviez pertinemment que le danger d’extension était bien réel. Nous avons, aujourd’hui, des préfets qui donnent des dérogations, que nous contestons, au nom de la concurrence libre et non faussée, ce qui est une tentative manifeste d’extension du travail dominical.
De plus, la région Ile-de-France et le centre commercial de Plan de Campagne ne sont pas, à eux seuls, la France, et votre loi ne fait pas l’unanimité sur la totalité du territoire, loin s’en faut. La preuve en est qu’employeurs et syndicats de salariés ont fait de nombreux accords locaux pour empêcher, notamment, l’ouverture dominicale des magasins de meubles qui ont le droit d’ouvrir le dimanche, grâce à l’amendement que vous avez apporté à la loi Chatel.
Vous dites défendre l’intérêt des salariés mais :
- pourquoi, alors, avoir donné aux employeurs la possibilité de les obliger à travailler le dimanche sans majoration de salaire et sans repos compensateur, dans le secteur de l’ameublement ?
- Pourquoi avoir prévu dans la loi Maillé un référendum auprès des salariés concernés sans en fixer les règles, ce qui permet toutes sortes de dérives ?
- Pourquoi ne pas prendre en compte les salariés qui travaillent dans les petits commerces de centre ville et qui disparaissent quand un centre commercial ouvre en périphérie et capte la clientèle, particulièrement quand il ouvre le dimanche ? Si les petits commerces ferment ce sont 24 % des salariés du commerce de détail qui seront au chômage et sans espoir, pour la grande majorité d’entre eux, d’être embauchés dans les grandes enseignes qui réduisent à peau de chagrin leurs effectifs, en remplaçant le personnel de caisse par des caisses automatiques et celui de vente par des bornes informatiques, et en augmentant sans cesse le nombre de mètres carrés de chaque vendeuse ou vendeur.
Nous vous rappelons que nous avons toujours proposé aux entreprises qui étaient condamnées à nous payer des astreintes, qu’elles avaient elles-mêmes générées en continuant malgré les décisions de justice à faire travailler illégalement les salariés, à échanger leur montant contre des augmentations de salaire pour les salariés. Aucune n’a accepté. Elles doivent, Madame, avoir le même souci que vous pour les intérêts des salariés.
A moins qu’elles ne craignent que des salariés correctement payés ne soient plus « volontaires » puisque la contrainte économique n’existerait plus.
Nous vous adressons à nouveau le courrier que nous avions précédemment envoyé aux Sénatrices et Sénateurs.
Nous espérons que ces éléments vous éclaireront sur la situation engendrée par votre amendement à la loi Chatel, ainsi que par la loi Maillé que vous avez défendue devant vos pairs.
Recevez, Madame la Sénatrice, nos respectueuses salutations.
Françoise NICOLETTA – Secrétaire fédéral Responsable du Commerce
Serge LEGAGNOA – Secrétaire général
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Copie de la lettre aux Parlementaires du 24 octobre 2011
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Voici la tribune de la Sénatrice qui fait l’objet de notre réponse :
Le travail dominical n’est pas une régression sociale ! par Isabelle Debré

Force Ouvrière annonce fièrement, dans son hebdomadaire daté du 18 janvier 2012, la condamnation de l’enseigne de bricolage Bricorama par le tribunal de grande instance de Pontoise pour l’ouverture dominicale de ses magasins en Ile-de-France. Une trentaine de magasins sont concernés par ce jugement et condamnés à une astreinte de 30 000 euros par ouverture constatée.
Qui peut, avec autant de légèreté, afficher sa satisfaction que trente entreprises soient du jour au lendemain contraintes de fermer leurs portes le dimanche, mettant en difficulté leurs salariés, tant sur le plan financier que dans l’organisation de leur vie quotidienne ?
Qui peut, avec autant d’irresponsabilité, s’en prendre aux emplois de salariés, souvent étudiants, volontaires pour travailler le dimanche, à l’heure où le Président de la République décrète la mobilisation générale en faveur de l’emploi et de la création d’activités ?
Qui peut, à contre courant des autres centrales syndicales, se réjouir de vouloir faire condamner de nouvelles enseignes au mépris de l’intérêt des salariés concernés, sans les avoir consultés.
Le travail dominical n’est pas une régression sociale s’il est accompagné d’avantages clairs et significatifs au bénéfice des salariés volontaires. Il permet d’abord à de nombreuses familles d’accroître leurs revenus. Il permet aussi à des étudiants de financer leurs études. Enfin, il répond à un vrai besoin des consommateurs : les enseignes n’ouvriraient naturellement pas le dimanche si les clients n’étaient pas au rendez-vous ; c’est là le vrai baromètre de l’utilité de l’ouverture dominicale, en particulier dans le secteur du bricolage largement pratiqué par les Français durant le week-end.
Il faut cesser de considérer le travail dominical avec dogmatisme : la question n’est ni de droite ni de gauche : des élus de tous bords, comme par exemple le maire communiste de Gennevilliers dans mon département, ont montré leur pragmatisme à ce sujet.
De façon générale, nous oublions trop souvent le nombre et la complexité des lois, réglementations ou normes qui pèsent sur nos entreprises. Il convient de les clarifier et de les simplifier.
Je suis convaincue qu’en donnant plus de liberté aux consommateurs, aux salariés et aux entreprises, chacun y gagnera.
Isabelle Debré, Sénateur des Hauts-de-Seine, Vice-présidente de la commission des affaires sociales